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Présidentielle 2026 : Boni Yayi aurait dû écouter Dakpè Sossou

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Le parti Les Démocrates, conduit par l’ancien président Boni Yayi, a officialisé la désignation de Me Renaud Agbodjo, avocat connu pour avoir défendu Reckya Madougou, comme candidat à l’élection présidentielle du 12 avril 2026, aux côtés de Judes Lodjou. Ce choix, présenté comme stratégique, soulève pourtant une question politique fondamentale : Boni Yayi n’aurait-il pas mieux fait de suivre les conseils du député Dakpè Sossou en renonçant à présenter un duo ?

Une désignation symbolique, mais contre-productive ?

Le profil de Me Agbodjo, jeune avocat engagé, incarne une nouvelle génération et offre un visage de renouveau. Il porte aussi un message fort autour des droits humains, de la justice et de l’intégrité. En théorie, cette candidature pourrait incarner l’alternative face à la mouvance présidentielle représentée par le duo Wadagni-Talata.

Mais sur le plan pratique et électoral, cette désignation est loin de faire l’unanimité. Au lieu de créer un sursaut d’unité, elle semble isoler davantage le parti Les Démocrates du reste de la classe politique, et affaiblir la stratégie d’ensemble de l’opposition. Or, l’objectif principal ne devrait-il pas être de battre la mouvance, plutôt que de simplement exister dans le scrutin ?

Dakpè Sossou : un appel au réalisme politique

Le député Dakpè Sossou, membre influent de l’Union Progressiste Le Renouveau (UPR), n’a pas mâché ses mots : selon lui, Boni Yayi devrait s’abstenir de présenter un duo candidat. Son raisonnement est limpide : dans le contexte politique actuel, une candidature de l’opposition fragmentée ne ferait que faciliter une victoire écrasante du duo Wadagni-Talata, possiblement dès le premier tour.

Plus encore, Dakpè Sossou a fait une ouverture historique : il a proposé à Boni Yayi de prendre un rôle d’homme d’État, de sage, consulté par tous les camps, s’il acceptait de ne pas entrer dans la course présidentielle avec un ticket partisan. Un geste rare, et à la hauteur des enjeux.

Boni Yayi face à un choix stratégique mal pesé

En maintenant la candidature d’un avocat aussi médiatiquement lié à Reckya Madougou, Boni Yayi prend le risque de réduire l’espace de dialogue avec d’autres forces politiques, y compris dans l’opposition. Plutôt que de construire une coalition large autour d’un projet de rupture, il ferme la porte à une stratégie plus souple, plus inclusive.

Certes, le parti Les Démocrates veut exister politiquement. Mais à quel prix ? Celui de permettre une victoire « par KO » de la mouvance, faute d’une opposition rassemblée ? Le choix de Me Agbodjo peut être honorable, mais il semble davantage guidé par la loyauté et le symbole que par une vision électorale lucide et gagnante.

Un processus critiqué en interne

La désignation du duo Agbodjo-Lodjou n’a pas non plus convaincu en interne. Plusieurs voix critiquent un processus opaque, peu inclusif, où la base militante n’a pas été véritablement consultée. Malgré les promesses d’un processus collégial, la réalité a plutôt laissé transparaître une décision fortement influencée par Boni Yayi lui-même.

Ce manque de transparence nourrit les frustrations et affaiblit la légitimité du choix, même chez ceux qui reconnaissent les qualités personnelles de Me Agbodjo.

L’urgence de la lucidité

Il est encore temps pour Boni Yayi de revenir à une stratégie de coalition. Le conseil de Dakpè Sossou n’est pas une attaque, mais un appel à la responsabilité historique. L’opposition ne gagnera pas sur le terrain de l’émotion ou du symbolisme. Elle ne gagnera que par une stratégie froide, réaliste, coordonnée — celle qui évite de se diviser face à un appareil politique bien huilé.

Boni Yayi a toujours été un acteur central de la vie politique béninoise. En 2026, il peut encore jouer un rôle capital. Mais ce rôle ne passe peut-être plus par la désignation d’un candidat partisan. Il passe, comme l’a proposé Dakpè Sossou, par la sagesse du retrait stratégique et l’élévation au-dessus des intérêts de parti.

Car au final, ce n’est pas la candidature d’un avocat, aussi honorable soit-elle, qui fera tomber la machine électorale de la mouvance. C’est l’unité. Et cette unité ne se décrète pas : elle se construit, parfois en renonçant à se battre pour mieux gagner.

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