Dans les sociétés humaines, le droit s’applique inéluctablement à tous les domaines pour contextualiser les normes et actions et organiser l’existence des peuples. En ce qui concerne les Droits à la Santé Sexuelle et Reproductive (DSSR), il s’agit des droits fondamentaux inhérents à la dignité humaine, à l’équité, à l’accès aux soins nécessaires individuels ou collectifs notamment réservé aux femmes et filles. Dans les contextes socioéconomique, culturel, juridique et institutionnel africains, les Droits à la Santé Sexuelle et Reproductive ont connu une avancée remarquable mais restent confrontés aux pesanteurs sociologiques.
Pour promouvoir l’accès aux services et soins de santé reproductive, plusieurs actions ont été initiées par les Gouvernements, les ONG et les partenaires techniques et financiers via des échanges, des partages d’expériences et d’actions novatrices, concrètes autour du cadre juridique, règlementaire, normatif et socio-politique protégeant les Droits à la santé sexuelle et reproductive (DSSR). Ces diverses interventions visent globalement à améliorer la connaissance, la disponibilité et l’application des textes de lois nécessaires à la jouissance des droits sexuels et de la reproduction.
Quels sont les groupes cibles, les structures et zones d’intervention concernées ?
Les acteurs directs, les partenaires et les territoires identifiés sont en l’occurrence :
Ø Cibles : adolescents, jeunes, femmes en âge de procréer, élus locaux, leaders religieux et traditionnels, associations de jeunes ;
Ø Structures clés : Projet Régional SWEDD, Partenariat de Ouagadougou, Agence belge de développement (Enabel), UNFPA, Consortium Social Watch Bénin-Association pour la promotion des initiatives locales (ASSOPIL), OMS ;
Ø Zones d’intervention : Bénin et Afrique.
Contributions des acteurs du changement et partenaires impliqués
Les réflexions des experts et organisations portent souvent sur l’état des lieux de la connaissance des textes de lois sur la santé sexuelle et reproduction et l’identification des besoins de leur mise à jour et de leur application, la conception des DSSR et leur perception selon les principaux textes et dispositifs internationaux et régionaux, la dynamique sociale en faveur des DSSR. En outre, les enjeux, défis, perspectives et résistances socio-culturelles sont des atouts pour des directives et bonnes pratiques en matière d’accès aux soins de santé sexuelle pour réduire les grossesses précoces chez les adolescentes, favoriser le maintien des filles à l’école et leur protection contre les Violences sexuelles Basées sur le Genre, les mutilations génitales féminines (MGF) puis la normalisation culturelle.
Pour infléchir les facteurs freins en vue du changement social et comportemental, le Bénin a adhéré le 20 mars 2019 au projet SWEDD (Sahel Women’s Empowerment and Demographic Dividend), une initiative majeure de la Banque mondiale pour améliorer l’autonomisation des femmes et des adolescentes, ainsi que leur accès aux services de santé reproductive, infantile et maternelle selon les normes qualité. Ainsi le Bénin a amélioré son arsenal juridique avec La loi Nᵒ 2021-12, adoptée en 2021, qui a modifié et complété la loi Nᵒ 2003-04 sur la santé sexuelle et reproductive, visant à réduire les décès maternels, promouvoir la planification familiale et rendre l’information sur la SSR accessible aux jeunes. Avec la plateforme juridique créée en 2021 et la plateforme des leaders religieux et traditionnels du Projet SWEDD, arrimées à celles régionales, pour répondre aux besoins des cibles en matière de protection, contrôle et répression en santé sexuelle et reproductive, une lueur d’espoir se projette à l’horizon d’ici 2030.
Dans ce cadre, le Bénin a accueilli du mardi 25 au jeudi 27 octobre 2022, un atelier régional sur les Droits à la santé sexuelle et reproductive organisé par le Consortium Social Watch Bénin-Association pour la promotion des initiatives locales (ASSOPIL). Ledit atelier a réuni les Ministères sectoriels, les experts en sciences juridiques, les médecins, les personnes ressources et acteurs intervenant dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, venus de divers pays africains pour le décryptage, l’analyse, l’interprétation et l’harmonisation de leurs connaissances et expériences en vue du renforcement du cadre juridique protégeant les droits sexuels et reproductifs. Ceci entre également dans le cadre du Projet d’appui au renforcement du cadre normatif, législatif et institutionnel de la santé sexuelle et de la reproduction (PARNoL-SSR) avec l’appui de l’Agence belge de développement (Enabel) à travers le Programme d’appui à la santé sexuelle et reproductive et à l’information sanitaire (P@sris).
La situation des adolescent€s et des femmes reste préoccupante au Bénin au regard des enjeux des droits sexuels et de la procréation en dépit des efforts pour une prise de conscience et un engagement national pour le changement social et de comportement des personnes et communautés.
Arsenal juridique, politiques publiques et stratégies
Aux niveaux national et régional les différentes parties prenantes ont un devoir de mémoire envers les victimes et les générations futures en prenant non seulement des décisions pertinentes aux plans juridique et institutionnel mais aussi en tenant compte des défis à relever pour une meilleure protection des DSSR au Bénin et en Afrique subsaharienne. Ainsi, il s’agit de :
- Faire une analyse globale des progrès et défis prioritaires sur la base des expériences et bonnes pratiques partagées,
- Définir les perspectives et actions pour le renforcement du cadre normatif, législatif et institutionnel ;
- Améliorer l’accès aux services de santé sexuelle pour les jeunes ;
- Renforcer l’éducation sexuelle complète dans les établissements scolaires, en tenant compte des besoins spécifiques des adolescents et des jeunes ;
- Assurer la confidentialité et le consentement des mineurs pour l’accès aux services de SSR ;
- Lutter contre les violences sexuelles et basées sur le genre ;
- Intégrer les services de SSR dans les systèmes de santé existants, y compris les soins de santé primaires ;
- Mobiliser des ressources financières et techniques alternatives et additionnelles pour la mise en œuvre des stratégies et programmes.
A cet effet selon Dr Souleymane Zan, Représentant de l’Organisation Mondiale de la Santé :
- 830 femmes meurent par jour dans le monde des suites des complications liées à la grossesse et à l’accouchement tandis que 214 millions de femmes en âge de procréer ne désirant pas une grossesse, n’ont pas accès à la planification familiale.
- 25 millions d’avortement sont opérés par des méthodes non sécurisées ou dangereuses dont 77% en Afrique subsaharienne (Atelier régional sur les Droits à la santé sexuelle et reproductive, avril 2022).
A ce propos, il est essentiel de mener des réflexions profondes sur l’impact de l’accès à la Santé sexuelle et de reproduction afin d’identifier les actions prioritaires. Sur le continent africain, la situation de la SSR reste peu reluisante et peu connue. Il y a un besoin d’accompagnement des ONG et institutions dont l’engagement peut apporter l’expertise technique et scientifique adéquate pour l’opérationnalisation des propositions et recommandations. Pour y parvenir, il est important d’analyser les conditions sociopolitiques, culturelles, matérielles, organisationnelles et financières pour créer un environnement favorable aux DSSR. Tous ces efforts des organisations et des gouvernements en vue d’accroître durablement le bien-être social des populations sont salutaires.
Par ailleurs, la Stratégie Nationale Multisectorielle de la Santé Sexuelle et de la Reproduction des Adolescents et Jeunes (SNMSRA/J) au Bénin émane de la synergie des Ministères sectoriels et acteurs (santé, éducation, affaires sociales, société civile) et met en place une politique qui promeut le changement social et comportemental. Son succès n’est possible qu’à travers les sensibilisations et les actions média et multimédia pour l’abandon des pratiques socioculturelles néfastes telles que le mariage précoce et/ou forcé, les violences basées sur le genre, le lévirat, les grossesses non désirées. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre des efforts plus larges visant à garantir l’accès universel aux services de santé sexuelle et reproductive en Afrique, conformément au Plan d’action révisé de Maputo (MPoA) 2016-2030, adopté par les chefs d’État de l’Union Africaine en juillet 2016 (Matière de Santé Reproductive : Priorités Stratégiques 2022-2026). Ce document de référence est axé sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), en particulier les objectifs 3 (bonne santé et bien-être) et 5 (égalité des sexes), ainsi que l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.
Pour renforcer l’autonomisation des femmes et des filles, il est impérieux de continuer le maintien et le soutien aux « Espaces Sûrs » mis en place par le projet SWEDD dont la vison consiste en la réalisation des droits et du plein potentiel de 3 302 000 jeunes des deux sexes du Bénin pour enclencher les bénéfices du dividende démographique en soutien à l’objectif de croissance économique inclusive du Programme d’Action du Gouvernement 2016-2021 et aux 49 cibles prioritaires des Objectifs de Développement Durable. Lesdits « Espaces Sûrs » sont aménagés pour que les mentores éduquent les adolescentes non scolarisées et déscolarisées de 10-24 ans sur les compétences de vie, la santé sexuelle et reproductive, la nutrition et la gestion de soi. L’esprit d’une telle initiative consiste à fournir un environnement sécurisé pour l’information et l’accompagnement, satisfaire un besoin dans un contexte où le manque d’informations et les tabous socioculturels sont un indice d’égarement.
Dans cette dynamique, le renforcement et le coaching continu du personnel de santé s’impose en vue de l’amélioration de la qualité des services de santé. L’UNFPA et l’OOAS, à l’instar des partenaires techniques et financiers comme la Banque mondiale, soutiennent les efforts des gouvernants plus précisément les institutions comme l’École Nationale Supérieure des Sciences de la Santé de Nouakchott en Mauritanie, qui constitue un Centre Régional de mentorat clinique des sages-femmes et l’Institut de Formation en Soins Infirmiers et Obtétricaux (IFSIO) sis à Parakou au Bénin.
In fine, la promotion des Droits à la santé sexuelle et reproductive avec le soutien des partenaires internationaux et nationaux est essentielle dans le processus de la Communication pour le Changement Social et Comportemental (CCSC) pour relever les défis structurels et socioculturels. Avec l’appui des réformes législatives, des interventions communautaires, des outils numériques et la capacitation des groupes cibles, il sera créé un environnement favorable où les femmes et les filles peuvent exercer entièrement leur potentiel et leurs droits, accéder à des services de santé de qualité et contribuer au développement de leur pays.
Koffi Zacharie HOUNDO,
Producteur de contenus média, Consultant – Formateur en Autonomisation des femmes – Dividende Démographique – Economie des soins et climat – Droits de l’Homme, communication et plaidoyer – stratégies (Projet SWEDD, Institut National de la Femme – Population Reference Bureau), Auteur et Editeur (Viatic services).
Email : kzachoundo@gmail.com Tél : +229 01 61 87 95 84