Alors que la scène politique béninoise semblait s’apaiser après la décision de la Cour constitutionnelle dans l’affaire dite du « parrainage de Michel Sodjinou », un nouvel épisode vient relancer la tension. Quelques jours seulement après que la haute juridiction s’est déclarée incompétente pour connaître du dossier, une rencontre inattendue entre le président Patrice Talon et l’ancien chef d’État Thomas Boni Yayi a eu lieu.
Depuis, le silence plane : aucune information officielle n’a filtré sur le contenu de leurs échanges, laissant libre cours aux spéculations. Et dans la foulée, une convocation de la Police Judiciaire (PJ) adressée à Boni Yayi et au duo présidentiel de son parti Les Démocrates (Me Renaud Agbodjo et Jude Lodjou) est venue jeter de l’huile sur le feu.
Contexte : une affaire judiciaire devenue politique
Le 21 octobre 2025, par voie d’huissier, Boni Yayi et les deux candidats du parti Les Démocrates ont été officiellement convoqués par la Direction de la Police Judiciaire (DPJ).
Selon des sources proches du dossier, la convocation serait liée au dossier n° 918/DPJ/DGPR/SA, en rapport avec la fiche de parrainage du député Michel Sodjinou, dont la validité a suscité de vives controverses.
C’est cette même affaire qui avait conduit le parti d’opposition à saisir la Cour constitutionnelle, laquelle a estimé, dans une décision rendue publique la semaine dernière, ne pas être compétente pour trancher sur la question du parrainage, renvoyant ainsi les protagonistes à d’autres voies de recours.
Une décision qui a profondément déçu les militants des Démocrates, mais qui a aussi ouvert la voie à un épisode politique inattendu : la rencontre Talon–Yayi.
Une rencontre au sommet qui intrigue
Le lendemain de la décision de la Cour constitutionnelle, le président Patrice Talon et son prédécesseur Boni Yayi se sont rencontrés en tête-à-tête.
Cette entrevue, tenue dans la plus grande discrétion, n’a fait l’objet d’aucune communication officielle. Ni la Présidence de la République ni le parti Les Démocrates n’ont révélé le sujet de leurs échanges.
Pour de nombreux observateurs, cette rencontre aurait pu porter sur la situation politique tendue autour des élections de 2026 ou sur la convocation imminente de Boni Yayi à la Police judiciaire.
Mais pour l’heure, le mystère reste entier.
Ce qui s’est passé à la Police Judiciaire
Le 22 octobre 2025 à 9h, les intéressés étaient attendus au siège de la DPJ à Cotonou.
Boni Yayi, Me Renaud Agbodjo et Jude Lodjou ne s’y sont pas rendus personnellement, préférant se faire représenter par leurs avocats : Me Francis Dako pour Agbodjo et Me Alao pour Boni Yayi.
Cependant, la Police judiciaire a exigé leur présence physique, précisant que dans le cadre d’une enquête pénale, la comparution personnelle est obligatoire.
Les avocats, de leur côté, ont demandé des clarifications procédurales, notamment sur le statut d’Agbodjo en tant qu’avocat et sur la nécessité d’un avis préalable du Parquet général avant toute poursuite.
Malgré ces échanges, aucune information concrète sur les motifs exacts de la convocation n’a été donnée. Selon des sources proches du dossier, les avocats n’ont pas été autorisés à représenter leurs clients, la DPJ ayant insisté sur la comparution personnelle des trois personnalités politiques.
Réaction du parti Les Démocrates
Dans un communiqué rendu public, le parti Les Démocrates a dénoncé une “manœuvre d’intimidation politique”, estimant que cette convocation visait à affaiblir ses dirigeants à quelques mois de l’élection présidentielle de 2026.
Le parti fustige également l’opacité de la procédure : ni la convocation ni la notification de l’huissier ne précisent les raisons exactes de la démarche judiciaire.
Pour Les Démocrates, il s’agit d’un nouvel épisode d’un acharnement politique qui, selon eux, traduit une instrumentalisation de la justice. Le parti appelle la communauté nationale et internationale à “rester vigilante face à toute tentative de musellement de l’opposition”.
Réactions et analyses
Plusieurs personnalités politiques, dont Daniel Edah, ancien membre du parti Les Démocrates, ont exprimé leur solidarité avec Boni Yayi et le duo Agbodjo–Lodjou.
Il invite le pouvoir à éviter toute action susceptible de compromettre la paix sociale dans un contexte électoral déjà sensible.
Des analystes estiment que cette convocation s’inscrit dans la suite logique de la crise du parrainage, où la validité des signatures de soutien à certains candidats continue de faire débat.
D’autres y voient une stratégie politique, soit pour tester la cohésion du parti Les Démocrates, soit pour prévenir toute escalade d’opposition avant la campagne officielle.
Enjeux et perspectives
1. Sur le plan politique
Cette convocation pourrait être interprétée comme une pression sur l’opposition, mais aussi comme une tentative de dissuasion à l’approche du scrutin.
Toutefois, elle pourrait produire l’effet inverse : renforcer la solidarité et la mobilisation autour de Boni Yayi et de ses candidats.
2. Sur le plan judiciaire
L’affaire du parrainage pourrait aboutir à un nouveau contentieux électoral, susceptible d’impliquer d’autres partis.
La question du respect des procédures et des droits de la défense reste centrale.
3. Sur le plan électoral
Si la procédure s’éternise ou se durcit, elle pourrait perturber le calendrier électoral ou servir de levier politique dans la communication des opposants au pouvoir.
Une affaire aux répercussions multiples
En somme, l’affaire Sodjinou, la décision d’incompétence de la Cour constitutionnelle, la rencontre secrète entre Talon et Yayi, et la convocation du trio des Démocrates à la Police judiciaire forment une série d’événements interconnectés qui redessinent le paysage politique béninois à la veille des élections de 2026.
Entre manœuvre politique, enquête judiciaire et négociations en coulisse, le mystère reste entier.
Mais une chose est sûre : cette séquence pourrait être déterminante pour la crédibilité du processus électoral et pour la stabilité démocratique du Bénin.





