À quelques heures seulement du démarrage des positionnements sur les listes électorales pour les législatives de 2026, la présidente du parti Renaissance Nationale (RN), Claudine Afiavi Prudencio, a annoncé à Cotonou, le samedi 8 novembre 2025, la fusion de son parti avec l’Union Progressiste le Renouveau (UP le Renouveau). C’était à la faveur d’un congrès extraordinaire tenu à son siege à Godomey.
Dans une allocution empreinte d’émotion et d’élévation, la présidente a justifié cette décision par la fidélité, la lucidité et le sens du devoir national. Mais derrière la force rhétorique et la tonalité solennelle du discours, se cachent des failles politiques et stratégiques que l’analyse objective ne saurait ignorer.
Une rhétorique maîtrisée au service de la fidélité politique
Claudine Prudencio, fidèle à son style oratoire, a livré une déclaration à la fois lyrique et calculée, présentant la fusion comme un acte de maturité et de cohérence.
Elle a insisté sur son engagement pris à Parakou, le 4 octobre dernier, à soutenir le duo présidentiel Romuald Wadagni – Mariam Chabi Talata, tout en affirmant son adhésion « intellectuelle » à la vision du président Patrice Talon.

Cette mise en scène de la fidélité n’est pas anodine. Elle vise à consolider l’image d’une femme d’État loyale, qui ne cède ni à l’opportunisme ni à la dispersion. En rappelant son « réseau d’amis et d’alliés au Bénin et à l’international », Prudencio se positionne clairement comme un relais stratégique du pouvoir, et non plus comme une force alternative.


Pour elle, la fusion n’est pas une soumission, mais une continuité logique : « Fusionner, ce n’est pas se diluer, c’est se renforcer. » Cette phrase, habilement tournée, résume tout l’enjeu du discours : convaincre les militants que la disparition du RN est un gain, non une perte.
Une fusion présentée comme un choix idéologique… mais dictée par le calendrier
Si le discours semble cohérent sur le plan idéologique, son timing interroge profondément.
L’annonce intervient à un moment critique du processus électoral — juste avant la composition des listes pour les législatives. Cette coïncidence ne saurait être perçue comme fortuite.
En réalité, la décision apparaît moins comme une fusion longuement négociée que comme une intégration de dernière minute, motivée par la volonté de sécuriser des places éligibles au sein de la mouvance présidentielle.
Dans un paysage politique désormais dominé par deux grands blocs, la survie des petits partis est devenue quasi impossible sans un rattachement à une structure plus large.

Le discours de Prudencio masque difficilement cette réalité. En parlant de « concentration stratégique » et de « hiérarchisation des priorités », elle traduit, sans le dire explicitement, la fin d’une aventure politique indépendante.
Son affirmation selon laquelle le parti concentre désormais ses efforts sur la présidentielle, au détriment des législatives, constitue d’ailleurs une incohérence manifeste : la fusion intervient précisément à un moment où l’enjeu législatif est central.
Les failles et contradictions d’un discours trop maîtrisé
Plusieurs failles traversent le discours présidentiel.
D’abord, l’idée que la fusion procède d’une « lucidité » et non d’un calcul politique peine à convaincre. En affirmant que le RN se retire des « batailles multiples » pour se consacrer à la présidentielle, la présidente semble escamoter la dimension démocratique du pluralisme que son parti prétendait incarner.
Ensuite, le ton très élogieux vis-à-vis du président Talon et du chef de la majorité présidentielle révèle un alignement total, qui contraste avec la vocation initiale du RN de promouvoir une identité propre au sein de la mouvance.
En réduisant le débat à la loyauté et à la stabilité, Claudine Prudencio évacue toute perspective critique sur la gouvernance en place, adoptant une posture de ralliement sans réserve.
Enfin, la rhétorique du renouveau et du « Bénin uni et stable » paraît déconnectée du contexte politique réel : celui d’une mouvance verrouillée, où les espaces d’expression interne sont réduits et où les partis fusionnés ont souvent perdu leur autonomie effective.
Dire que la RN « rejoint le grand courant de l’unité nationale » revient, en réalité, à reconnaître sa dissolution dans une structure déjà hégémonique.
Entre fidélité proclamée et repositionnement personnel
Au-delà du discours officiel, la fusion du RN avec l’UP le Renouveau porte la marque d’un repositionnement politique personnel.
En soutenant publiquement le duo Wadagni–Talata, Claudine Prudencio se projette dans l’après-Talon, anticipant la configuration du pouvoir à venir.
Sa loyauté, réelle ou stratégique, devient alors un investissement politique : se placer dans la ligne de succession, et garantir une place dans le dispositif futur du pouvoir.
Ce repositionnement n’a rien d’illégitime dans un contexte politique mouvant. Mais il révèle que la fusion n’est pas uniquement un acte de foi politique : elle est aussi un calcul d’opportunité, opéré au moment le plus favorable.
Une décision révélatrice du nouveau visage du système partisan
En dernière analyse, la fusion RN–UP le Renouveau s’inscrit dans la logique des réformes du système partisan initiées depuis 2018 : réduire le nombre de partis et renforcer la lisibilité politique.
Mais cette rationalisation, si elle a permis une meilleure organisation institutionnelle, a également étouffé la pluralité et favorisé des regroupements souvent artificiels.
La déclaration de Claudine Prudencio illustre parfaitement cette tension : sous couvert de cohérence et d’unité, elle entérine la disparition d’une voix politique distincte et confirme la tendance à la centralisation du pouvoir partisan.
En définitive
La fusion du parti Renaissance Nationale avec l’Union Progressiste le Renouveau, telle que présentée par Claudine Prudencio, apparaît à la fois comme un choix pragmatique et une manœuvre électorale.
Si le discours met en avant la fidélité, la loyauté et la responsabilité, il laisse transparaître une série de failles logiques et politiques :
une fusion précipitée, annoncée au moment le plus opportun pour la mouvance ;
un abandon déguisé de l’autonomie du RN ;
et un alignement sans nuance sur le pouvoir en place.
Au fond, la présidente Prudencio a choisi la cohérence institutionnelle au prix de la diversité politique.
Un choix qui, s’il peut lui garantir une place dans la continuité du régime, interroge sur le coût démocratique de la fusion et la capacité du Bénin à préserver une opposition et une pluralité véritables.





