Dans une lettre ouverte adressée aux Présidents de la Commission de la CEDEAO et de la Commission de l’Union africaine, l’ancien candidat à l’élection présidentielle, Daniel Edah, appelle les deux institutions à se prononcer sur la récente révision constitutionnelle adoptée par l’Assemblée nationale béninoise dans la nuit du 14 au 15 novembre 2025. Une réforme majeure votée à quelques mois de trois scrutins déterminants, et qui, selon lui, viole les normes électorales régionales.
Un contexte politique tendu à l’approche de 2026
Le Bénin s’apprête à organiser, en 2026, trois élections d’envergure :
les élections communales et municipales du 11 janvier,
le scrutin présidentiel prévu le 12 avril,
et les législatives, également inscrites au calendrier.
Alors que les candidatures pour les premières échéances ont déjà été déposées, la révision constitutionnelle adoptée par le parlement béninois a profondément modifié le cadre institutionnel national. La réforme porte désormais la durée de tous les mandats électifs de cinq à sept ans et crée une deuxième chambre parlementaire : le Sénat.
Mais c’est le moment de son adoption qui nourrit une vive polémique : moins de six mois avant les scrutins.
Coupures d’électricité pendant le vote : l’indignation populaire
La nuit de l’adoption de la réforme a été marquée par des coupures d’électricité successives ayant interrompu la séance parlementaire. Une situation qui a provoqué une vague d’indignation au sein de l’opinion publique, beaucoup y voyant un épisode ayant compromis la transparence du vote.
Pour Daniel Edah, cette polémique n’est toutefois que secondaire. Le véritable problème est d’ordre juridique.
La norme CEDEAO : une balise claire et contraignante
L’ex-candidat rappelle que le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO — texte contraignant signé par le Bénin — interdit explicitement toute réforme électorale substantielle dans les six mois précédant une élection, sauf consentement d’une large majorité des acteurs politiques.
En voici l’extrait cité dans sa lettre :
> « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sauf avec le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. »
— Article 2(1), Protocole CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, 21 décembre 2001.
Une violation qui pourrait compromettre la légitimité des scrutins
La réforme constitutionnelle, adoptée alors que les candidatures sont déjà validées, ouvre la voie à plusieurs risques majeurs :
l’invalidation possible des dossiers déjà acceptés,
une instabilité du cadre électoral,
une rupture d’égalité entre les acteurs politiques,
une augmentation des contentieux,
et potentiellement, une mise en cause de la légitimité des résultats.
Au niveau régional, Daniel Edah évoque également des conséquences possibles : avertissements, missions de vérification, voire sanctions allant jusqu’à la non-reconnaissance des autorités issues du scrutin.
Un appel direct à la CEDEAO et à l’Union Africaine
Tout en reconnaissant le profond scepticisme d’une partie de la population envers les institutions régionales, Daniel Edah affirme croire encore en leur rôle dans la préservation des principes démocratiques.
Il leur demande officiellement :
d’examiner en urgence la conformité de la révision,
de publier leurs conclusions,
et de prendre les mesures nécessaires si une violation des normes est établie.
Pour lui, les engagements souscrits par les États membres doivent être respectés, sans complaisance.
Un test de crédibilité pour les organisations régionales
À travers cette lettre ouverte, Daniel Edah place la CEDEAO et l’Union africaine face à leurs responsabilités : garantir l’intégrité des processus électoraux en Afrique de l’Ouest.
À quelques mois des scrutins, le Bénin — souvent présenté comme un modèle démocratique — entre dans une zone de turbulences politiques et institutionnelles.
La réaction des organisations régionales sera déterminante pour la suite.
Lire l’intégralité d’une si longue lettre
LETTRE OUVERTE
À l’attention des Présidents de la Commission de la CEDEAO et de la Commission de l’Union Africaine
African Union Ecowas – Cedeao
Excellences Messieurs les Présidents,
Si je devais prêter l’oreille au profond désenchantement exprimé par bon nombre de mes compatriotes – ceux qui n’attendent plus rien de la capacité de vos institutions à assumer leurs mandats – je ne vous adresserais pas cette correspondance.
Une part importante de nos citoyens considère désormais que la CEDEAO et l’Union africaine ont renoncé à leurs missions fondamentales : la défense de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la stabilité – principes qu’elles proclament pourtant comme essentiels.
Pourtant, je demeure convaincu que l’idéal d’une Afrique prospère, pacifique et bien intégrée, portée par des institutions régionales et continentales fortes et fidèles à leurs engagements, n’est pas hors de portée. C’est dans cet esprit – solennel et lucide – que je prends la liberté de vous écrire.
La République du Bénin se prépare à organiser trois scrutins majeurs en 2026.
Après le dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle du 12 avril 2026, ainsi que pour les élections communales et municipales du 11 janvier 2026, l’Assemblée nationale a adopté – dans la nuit du 14 au 15 novembre 2025 – une révision constitutionnelle portant la durée de tous les mandats électifs de cinq à sept ans et instituant un Sénat.
Cette révision – importante tant par sa portée que par ses implications – a été adoptée à moins de six mois des élections.
Au-delà de l’indignation publique suscitée par les coupures d’électricité survenues précisément pendant le vote – coupures que beaucoup estiment avoir favorisé un processus irrégulier – le problème central demeure incontestable : le cadre électoral a été modifié après la validation des candidatures, en contradiction manifeste avec les normes de la CEDEAO et les principes fondamentaux du droit électoral.
Afin de dissiper toute ambiguïté, je rappelle ci-dessous les dispositions juridiques applicables.
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CADRE JURIDIQUE – Références et Implications
I. Instrument Contraignant de la CEDEAO
Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance (21 décembre 2001)
Article 2(1)
« Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sauf avec le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. »
II. Situation juridique au Bénin
- Révision constitutionnelle adoptée après le dépôt des candidatures
- Extension de tous les mandats à sept ans
- Création d’un Sénat
Implications :
- Possible invalidation des candidatures déjà acceptées
- Violation du principe de stabilité du cadre électoral
- Rupture d’égalité entre acteurs politiques
III. Conséquences possibles
A. Internes : irrégularité du processus, contentieux accrus, légitimité compromise
B. CEDEAO : avertissements, missions de vérification, sanctions (suspension, mesures financières, non-reconnaissance)
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Excellences Messieurs les Présidents,
Les textes légaux existent. Les engagements sont explicites. Les violations sont évidentes.
La CEDEAO et l’Union Africaine ne peuvent se limiter à observer ou commenter des décisions contraires à leurs propres normes.
Vous avez la responsabilité d’en garantir le respect au nom des principes que nos États ont librement adoptés.
Conformément au Protocole de 2001, je sollicite respectueusement :
- un examen urgent de la conformité de cette révision ;
- la publication de vos conclusions, et
- la prise de mesures appropriées si une violation est établie.
Veuillez agréer, Excellences Messieurs les Présidents, l’expression de ma très haute considération.
Daniel Edah
Ancien Candidat à l’élection présidentielle
Président du Mouvement Nous Le Ferons





