La crise politique qui secoue le Bénin depuis quelques jours ne cesse de faire sortir le candidat recalé à l’investiture des Démocrates pour la présidentielle 2026 de ses gonds. Après ses lettres ouvertes, Daniel Edah revient ce jeudi avec une proposition au président de la République Patrice Talon et à l’ensemble de la classe politique béninoise. À travers un message, l’ancien fonctionnaire international lance un appel depuis Addis-Abeba, qui résonne comme un avertissement lucide à la classe politique béninoise. Face à un climat politique de plus en plus tendu, marqué par la méfiance et les fractures partisanes, l’ancien candidat à la présidentielle invite le président Patrice Talon à poser un acte fort : suspendre le processus électoral en cours, geler le projet de révision constitutionnelle, et ouvrir un dialogue national inclusif.
Une prise de position audacieuse, à contre-courant d’un contexte où la majorité présidentielle semble déterminée à maintenir le cap, malgré les signaux d’alerte qui s’accumulent à l’approche des élections de 2026.
Talon-Yayi : une rivalité qui paralyse la Nation
Daniel Edah, dans une adresse solennelle au Chef de l’État, n’a pas mâché ses mots. Selon lui, la récente sortie médiatique du président Talon, le 4 novembre dernier, a confirmé ce que beaucoup soupçonnaient : la rivalité entre Talon et Boni Yayi continue de peser lourdement sur la vie politique béninoise.
> « Un différend profond persiste entre le Président Patrice Talon et son prédécesseur Boni Yayi, et cette mauvaise santé de leurs relations nuit gravement à la vie politique et sociale du Bénin », écrit Edah.
L’homme politique estime que plusieurs réformes emblématiques du régime actuel, censées renforcer les institutions, ont en réalité été « inspirées par cette rivalité », donnant naissance à un système politique verrouillé et polarisé. Pour lui, il est paradoxal que le pouvoir cherche aujourd’hui à nouer des accords de gouvernance avec des partis d’opposition qu’il a, des années durant, marginalisés.
Un sursaut national pour éviter la rupture
Au-delà de la dénonciation, Daniel Edah trace une voie : celle du rassemblement et du dialogue. Il met en garde contre les « incongruités » du processus électoral, pointant notamment « l’absence du principal parti de l’opposition à la présidentielle » et les « ajustements opportunistes du calendrier électoral ».
> « J’invite le Président de la République, s’il est sincère dans sa volonté d’apaisement, à faire surseoir au processus électoral actuel ainsi qu’au projet de révision constitutionnelle, et à convoquer un dialogue national spécial », plaide-t-il.
Ce dialogue, prévient-il, ne doit pas devenir un procès politique, mais un espace de vérité et de réconciliation nationale, pour restaurer la confiance, garantir la transparence électorale et empêcher le retour d’une gouvernance fondée sur la vengeance ou l’exclusion.
Un message aux deux camps
L’appel d’Addis-Abeba s’adresse autant à Talon qu’à Yayi. Daniel Edah exhorte l’ancien président, aujourd’hui leader du parti Les Démocrates, à soutenir la dynamique de décrispation si le Chef de l’État en prend l’initiative.
> « Le Bénin a toujours su surmonter les épreuves par le dialogue et la concertation. À ce moment crucial de notre histoire, il est impératif que l’intérêt supérieur de la Nation l’emporte sur toute considération personnelle ou partisane », insiste-t-il.
L’homme politique invite également les proches du pouvoir à encourager cette ouverture, estimant qu’une victoire politique n’a de valeur que si elle ne divise pas le pays.
Un appel continental et diplomatique
Dans sa démarche, Daniel Edah élargit le débat au-delà des frontières nationales. Il appelle la CEDEAO et l’Union africaine à accompagner le Bénin sur la voie de la paix et de la démocratie, tout en sollicitant le soutien actif de partenaires bilatéraux tels que le Nigeria, la France, les États-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Afrique du Sud.
L’enjeu, selon lui, dépasse le seul cadre béninois : il s’agit de préserver la stabilité du golfe de Guinée, une région déjà fragilisée par les crises politiques récurrentes.
Le message final : l’unité ou le chaos
En conclusion, Daniel Edah lance un avertissement empreint d’espoir :
> « Ensemble, faisons le choix de la sérénité et de l’unité pour la paix, la démocratie et le développement. Car c’est à ce prix que nous préserverons la stabilité de notre pays et garantirons aux générations futures un Bénin véritablement prospère et stable. »
L’appel de l’ancien candidat pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre du débat politique national. Reste à savoir si, à Cotonou, la voix venue d’Addis-Abeba trouvera un écho — ou se perdra dans le brouhaha des ambitions électorales et des rancunes politiques.
Intégralité de son message
PROPOSITION ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PATRICE TALON ET À L’ENSEMBLE DE LA CLASSE POLITIQUE BÉNINOISE
Par Daniel Edah
Porteur de la vision d’un Bénin économiquement prospère et socialement stable dans une Afrique bien intégrée et en plein essor.
Mes Chers compatriotes,
Comme la plupart d’entre vous, j’ai suivi avec attention la sortie médiatique de notre Président de la République, le 4 novembre dernier.
De cette intervention, je retiens que le Président Patrice Talon reconnait qu’un différend profond persiste entre lui et son prédécesseur le Président Boni Yayi, et que cette mauvaise santé de leurs relations nuit gravement à la vie politique et sociale du Bénin.
Il est aussi apparu que nombre des réformes engagées semblent avoir été inspirées, directement ou indirectement, par cette rivalité.
Le Président Patrice Talon a clairement laissé entendre être le principal concepteur de ces réformes et s’être donné la latitude de les infléchir ou de les radicaliser selon sa propre appréciation. Dans ce contexte, il me paraît incohérent de solliciter un parti politique de l’opposition pour signer un accord de gouvernance ou un accord parlementaire avec un parti au pouvoir ou un parti qui lui est apparenté.
Contrairement aux attentes suscitées, la réforme du système électoral et celle du système partisan ont révélé leurs limites dans la préparation des élections de 2026. Le fait que le calendrier électoral des élections législatives puisse être aisément ajusté, contrairement à celui de l’élection présidentielle pendant que des prolongations se jouent pour les élections communales, en est une illustration manifeste. Tout comme le fait que le Président Patrice Talon reconnaisse lui-même l’impossibilité pour chacun des partis de pouvoir réunir seul les 20% de suffrages exigés par circonscription pour lever des sièges aux élections législatives sans recourir à un accord parlementaire.
À travers sa sortie, j’ai perçu chez le Président Patrice Talon une prise de conscience : celle que la gouvernance de revanche ou de vengeance, nourrie par des inimitiés politiques, finit par nuire à la cohésion nationale et au bien-être du peuple. Son ouverture à l’idée d’un retrait simultané de la scène politique avec son prédécesseur semble traduire une volonté d’apaisement et de dépassement. Même si la proposition parait unilatérale, c’est une démarche que je salue car toute action, même animée de bonnes intentions, devient insoutenable lorsqu’elle repose sur la rancune ou la vengeance.
Le climat politique actuel, marqué par la méfiance et la polarisation, rend indispensable un sursaut collectif pour préserver la paix civile et la crédibilité de nos institutions.
Ainsi, au regard des incongruités observées dans le processus électoral en cours, notamment avec l’absence du principal parti de l’opposition à l’élection présidentielle, et de l’urgence d’éviter un approfondissement des fractures politiques et sociales, j’invite le Président de la République Patrice Talon, s’il est sincère dans sa volonté d’apaisement et de préservation de la concorde, à faire surseoir au processus électoral actuel ainsi qu’au projet de révision constitutionnelle et à convoquer un dialogue national spécial.
J’invite les soutiens du Président de la République à l’accompagner dans cette orientation d’apaisement et d’unité nationale.
J’invite également l’ancien Président de la République et Président du parti Les Démocrates, le Président Boni Yayi, à accompagner cette dynamique à travers le soutien des députés LD si le Président Patrice Talon accepte de prendre l’initiative.
J’invite spécialement la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine (UA) à encourager le Président Patrice Talon à prendre cette initiative non seulement pour la démocratie et la paix au Bénin mais surtout pour préserver et consolider la paix et la stabilité dans tout le golfe de Guinée.
J’appelle les partenaires bilatéraux du Bénin notamment le Nigeria, l’Afrique du Sud, la France, les Etats-Unis d’Amérique, l’Allemagne, et les Pays-Bas à soutenir activement le Bénin dans cette voie.
Ce dialogue qui devra réunir l’ensemble de la classe politique et les forces sociales ne doit pas être un procès politique, ni du Président Patrice Talon ni d’aucun autre acteur, mais un espace de vérité, d’inclusion et de réconciliation, destiné à :
- restaurer la confiance entre les différentes composantes de la classe politique,
- garantir l’équité et la transparence du processus électoral à venir,
- et établir des mécanismes institutionnels durables pour prévenir l’émergence de toute nouvelle gouvernance fondée sur la vengeance ou l’exclusion.
Le Bénin a toujours su surmonter les épreuves par le dialogue et la concertation. À ce moment crucial de notre histoire, il est impératif que l’intérêt supérieur de la Nation l’emporte sur toute considération personnelle ou partisane.
Ensemble, faisons le choix de la sérénité et de l’unité pour la paix, la démocratie et le développement. Car c’est à ce prix que nous préserverons la stabilité de notre pays et garantirons aux générations futures un Bénin véritablement prospère et stable.
Dieu benisse le Bénin !
Fait à Addis-Abeba, le 6 novembre 2025
Daniel Edah





