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Loi sur la chefferie traditionnelle au Bénin: Les analyses et propositions de Dah GOUDOU ADIMAGLO pour renforcer cette législation

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Dah Goudou Adimaglo dans une interview esclusive s’est prononcé sur le nouveau cadre législatif des chefferies béninoises et les enjeux culturels. Dans cet entretien, Dah GOUDOU ADIMAGLO salue la réforme sous le régime Talon et invite les autorités compétentes à prendre en compte les observations des uns et des autres pour applanir les insuffisances. Lire l’intégralité de son interview accordée à l’antenne régionale Zou Collines de votre journal

Palabre au quotidien: Merci de vous présenter à nos lecteurs, Sa Majesté

Dah GOUDOU ADIMAGLO:

Bonjour à tous et à toutes. Merci pour l’invitation. Donc je me présente, je m’appelle Dah Goudou Adimaglo
Dans l’espace civil je suis connu sous le nom de Régis Goudou
Professionnellement, j’ai une formation de juriste en droit des affaires, et je suis chef de projet dans un groupe bancaire, à Paris, en France.
Mes sujets professionnels portent sur la Conformité bancaire, la sécurité financière, et la LCB-FT soit la Lutte Contre le Blanchiment et le Financement du Terrorisme.
Je suis le fils aîné de feu Dadah Goudou XIV Adimaglo
Dadah Goudou XIV Adimaglo que les plus anciens d’entre nous, ont connu comme Professeur de droit et constitutionnaliste.
J’ai été intronisé sur son trône, donc en tant que Dah Goudou Adimaglo, en 2012.
Je suis donc sur le trône d’une des 15 lignées, si je puis dire, de la famille Goudou.
Pour mémoire, je rappelle qu’historiquement, Goudou était le fils aîné de la Reine Mère Nan Oudjanlé, il fût adopté par Dadah Agadja et était donc le frère aîné de Dadah Tegbessou.
Voilà pour cette présentation contextuelle.

Palabre au quotidien

Récemment, le Bénin, par l’intermédiaire de son parlement, a adopté une loi visant à encadrer et réglementer la chefferie traditionnelle. Cette nouvelle législation suscite diverses opinions parmi la population. Quelle est votre opinion sur cette réorganisation des chefferies traditionnelles au Bénin et les implications qu’elle pourrait avoir ?

Dah GOUDOU ADIMAGLO:
Sur le principe je pense qu’à l’évidence cette loi est et nécessaire, pour 2 raisons majeures :
La première raison découle naturellement de cette volonté de nous réapproprier notre patrimoine et notre culture traditionnelle, en protégeant les chefferies traditionnelles et en les valorisant, par la formalisation de la reconnaissance de leur légitimité, de leur existence avec leurs spécificités propres. C’est légaliser avant tout le rôle spirituel et social des chefferies et des royaumes. L’outil législatif, la loi est le bien le moyen le plus approprié pour y parvenir. Ce qui n’est pas une mince affaire au vu de la diversité de la nature et des typologies organisationnelles, des royaumes et des chefferies identifiés et répertoriés.
La deuxième raison majeure qui en découle, est le corollaire de la première. C’est la lutte contre la prolifération indue et inflationniste d’intronisés ou de Dah autoproclamés de tous genres et de tout acabit, ce qui revenait à galvauder la fonction et les exigences qui en découlent. La chefferie traditionnelle et ce qu’elle est censée promulguée et protégée, c’est à dire la Tradition (avec un grand T), auraient progressivement été dénigrée voire réduite à néant par le fait d’opportunistes mal intentionnés.
Donc à mon sens, en résumé, cette loi est bien en premier lieu, une procédure de sauvegarde de la Tradition et de notre culture.
Par ricochet, à moyen long terme, cette sauvegarde permettra de mieux valoriser les chefferies traditionnelles, c’est certain… et peut être encore plus selon le rôle ultérieur qui pourrait éventuellement leur être attribué.
Ceci étant, comme tout projet de transformation, pour réussir, cette réorganisation nécessite la prise en compte de la pleine mesure de toutes les implications induites, l’adhésion de tous les protagonistes avec au premier chef (les rois et chefs traditionnels), mais aussi l’adhésion de ceux qui se sentiraient ou pourraient se sentir impactés par une éventuelle modification de la répartition des rôles, des prérogatives et des pouvoirs, soit principalement les représentants des institutions républicaines, les acteurs politiques et économiques … et globalement la société civile dans son ensemble.
Obtenir l’adhésion des rois et des chefs traditionnels est primordial.
De fait si la loi ne reprend pas, ne légitime pas « in extenso » le mode de fonctionnement et l’organisation dite informelle actuelle, alors l’insatisfaction sera bien réelle … et il est à craindre que l’objectif premier visé par la loi ne sera que partiellement atteint.
Car en fait il subsistera au sein même des royaumes et des chefferies traditionnelles, un volet légitimé, légalisé à côté d’un volet traditionnel dit informel (non retenu par la loi), ce qui engendrera des déséquilibres fonctionnels et opérationnels.
Déséquilibrer l’existant qui était équilibré, n’est pas faire œuvre utile.
Aussi pour les raisons indiquées précédemment la loi la loi n°2025-09 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin reste perfectible.

Palabre au quotidien: Il semblerait que, comme d’autres royaumes, celui d’Abomey réclame une révision de cette législation afin de corriger certaines insuffisances avant que le chef de l’État ne la promulgue. Quel est votre avis sur cette demande émanant du royaume de Danxomè ? Pensez-vous qu’une relecture est nécessaire et, si oui, quels aspects devraient être revus ?

Dah GOUDOU ADIMAGLO:
A ma connaissance et à ce jour, je crois savoir que le secrétariat de l’Assemblée Nationale a reçu pas moins de 50 lettres réclamations de divers royaumes et chefferies traditionnelles depuis le vote de la loi, le 13 mars 2025.
50, c’est un nombre conséquent.
A cela, 3 hypothèses peuvent être envisagées.
Première hypothèse : Une lacune dans la méthodologie employée, ou dans le processus de recueillement, de traitement, voire de retranscription et de validation des informations orales.
Deuxième hypothèse : L’absence de réunion de validation finale des informations recueillies avec chaque autorité traditionnelle concernée ou son représentant désigné.
Troisième hypothèse : Une difficulté à retranscrire dans un même projet de loi, des modalités et des structures de fonctionnement différentes car spécifiques à chaque royaume ou chefferie traditionnelle.
De fait dans sa volonté de réglementer et d’uniformiser ce qui ne pouvait véritablement ne pas l’être, le législateur s’est contenté ou ne s’est astreint qu’à ne retenir … que les plus grands dénominateurs communs.
Comme je le disais, 50 c’est conséquent … Je n’ose imaginer que la Commission des lois du Parlement et le Comité technique mis en place dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi, ne tiennent pas compte de ces réclamations.
Quant aux problématiques soulevées par le Royaume de Danxome
Je soutiens pleinement la démarche du Royaume de Danxome, initiée par Dah Aguesssivognon Assiata Tegbessou, chef de la lignée Tegbessou, … comme je le disais en introduction, nos liens familiaux sont historiques.
D’un point de vue général, l’article 6 devrait être plus détaillé et prendre en compte les structures organisationnelles existantes des différents royaumes et des chefferies traditionnelles, y compris et notamment celles du Royaume du Danxome.
Et comme précisé dans la déclaration du Royaume du Danxome du 21 mars 2025, ne pas avoir retenu la rotation entre les trois lignées royales à savoir celles des Roi Glèlè, Gbéhanzin et Agoli Agbo, dans le mode de succession au trône royal de Danxomè, est incompréhensible. Pourquoi tronquer un mode de désignation qui a fait ses preuves … et s’éloigner de la réalité du vécu actuel du Royaume ?
Est-ce un oubli, une auto-censure ou une décision arbitraire …l’argumentaire retenu par le Comité technique pourrait être d’ordre purement historique … et si un tel choix avait été opéré, il est nécessaire qu’il soit exposé et discuté entre les parties… j’en reviens à la réunion de validation finale, exposée précédemment.

Palabre au quotidien: Le Bénin compte désormais environ une quinzaine de chefferies traditionnelles. Quels avantages prévoyez-vous pour le pays et pour les gardiens de nos traditions ancestrales avec cette nouvelle organisation ? En quoi cela pourrait-il renforcer ou transformer le rôle des chefferies dans la préservation de notre patrimoine culturel ?

Dah GOUDOU ADIMAGLO:
Oui, à ce jour la loi du 13 mars 2025, N° 2025-09 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin reconnait exactement 16 Royaumes, 80 chefferies supérieures et 10 chefferies coutumières.
A mon sens, cette reconnaissance est la reconnaissance de leur rôle dans le développement socio-économique du pays et la reconnaissance de leur contribution à la cohésion sociale et à la préservation des identités culturelles.
La nation Béninoise qui s’est construite au travers et avec les chefferies traditionnelles, leur rend hommage pour leurs actions passées et actuelles.
Mais je pense que du fait même de cette reconnaissance juridique et politique (au sens noble du terme) la nation béninoise en attend désormais encore plus.
Une exigence complémentaire à l’existant, nécessairement complémentaire aux valeurs des institutions républicaines.
Une exigence impalpable de par sa forme et sa nature.
La nation béninoise attend des chefferies traditionnelles, garantes des traditions, qu’elles promulguent voire incarnent encore plus qu’avant, une Intégrité Morale Immuable.
Cette intégrité morale étant l’emblème d’une culture, d’une tradition et d’une spiritualité ancestrale accomplies ; Je pense que par ricochet, le patrimoine culturel ancestral témoin privilégié de cette spiritualité et de ces traditions n’en prendra que plus de valeur, et n’en sera que plus préservé.
Je me dois de préciser que cette posture (l’intégrité morale) n’est pas nouvelle, c’est un devoir déjà cultivé et préservé par les chefferies traditionnelles.
Cette posture devra simplement être rendue encore plus visible et son sens profond pourra alors être compris de toutes et tous.
Alors que comprendre par visibilité, quel périmètre lui donner et avec quels moyens ?
J’ose penser que c’est tout l’enjeu du décret d’application, voire des arrêtés qui feront suite à cette loi.
Si je me fie aux dispositions de l’article 33, aliéna 2 de la loi adoptée, il est précisé que « L’État peut accorder au roi, au chef supérieur ou au chef coutumier ou à chaque chefferie traditionnelle, une allocation selon les conditions et modalités fixées par voie règlementaire ».
Une allocation pour quels besoins et dans quels buts ?
Divers scenarii peuvent envisagés, les besoins de certains royaumes et chefferies n’étant pas ceux des autres, et inversement.
On pourrait imaginer avoir, selon les préoccupations et les besoins des uns et des autres :
Une allocation pour des frais de fonctionnement,
Ou une allocation pour des frais de rénovation et de préservation du patrimoine existant
Ou une allocation pour des investissements spécifiques
Ou encore une allocation allouée à l’exécution d’un projet commandité par la Puissance publique, allocation dont l’objectif serait lié à la mise en valeur du patrimoine culturel et des traditions ancestrales….

Dah GOUDOU ADIMAGLO merci !
C’est moi, Monsieur Boris Kouessi GOUDJA.
Correspondant
Boris GOUDJA

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