L’appel à candidature lancé par le parti Les Démocrates en vue de l’élection présidentielle de 2026 suscite de vives interrogations au sein de l’opinion publique et de la classe politique. En cause, une mesure controversée introduite par le président du parti, Boni Yayi, qui exige que chaque prétendant à l’investiture verse une caution individuelle de 25 millions de francs CFA.
Une caution qui fait débat
Conformément à l’appel publié par la direction nationale du parti, chaque candidat à la candidature devra s’acquitter personnellement de cette somme pour faire acte de candidature. Le document précise qu’en cas de non-sélection, une restitution partielle — à hauteur de 20 millions — est prévue.
Mais au-delà du montant élevé, c’est surtout la modalité de collecte de cette somme qui crée la polémique. Alors que les législations financières en vigueur au Bénin exigent désormais une traçabilité stricte des fonds mobilisés pour les activités politiques, cette mesure pourrait exposer les candidats à de graves poursuites judiciaires s’ils sont dans l’incapacité de justifier l’origine légale des fonds.
Le spectre de l’affaire Madougou
L’inquiétude est d’autant plus grande qu’un précédent fait froid dans le dos. En 2021, Reckya Madougou, ancienne ministre et candidate du parti LD à l’élection présidentielle, a été condamnée à 20 ans de prison pour financement présumé du terrorisme et blanchiment d’argent. Bien que les faits qui lui étaient reprochés n’aient pas directement concerné une caution de candidature, cette affaire a révélé l’extrême sensibilité de l’État béninois aux questions de provenance des ressources politiques.
Dans ce contexte, obliger chaque aspirant à démontrer personnellement l’origine licite de 25 millions FCFA revient à le mettre en position de vulnérabilité face à une justice de plus en plus intraitable sur ces questions.
Une stratégie à double tranchant
Alors que l’enjeu de 2026 est crucial pour Les Démocrates, force d’opposition , cette démarche du président Boni Yayi apparaît à la fois comme une tentative de filtrer les candidatures et comme une source potentielle d’auto-sabotage. En cas de contrôle ou d’enquête, le candidat investi pourrait être exposé à des accusations lourdes, similaires à celles qui ont coûté la liberté à Madougou.
En demandant à chaque individu de porter cette charge financière, au lieu de faire supporter cette responsabilité par le parti — ce qui aurait été plus cohérent et juridiquement prudent — Boni Yayi ouvre une brèche à d’éventuelles poursuites pour financement occulte, blanchiment ou même association de malfaiteurs, selon les interprétations judiciaires.
Un appel à la raison
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour demander une révision urgente de cette mesure. Il est dans l’intérêt du parti Les Démocrates de garantir à ses candidats une protection juridique solide. Cela passe par une gestion centralisée et transparente des fonds, comme le pratiquent de nombreux partis politiques modernes.
Boni Yayi, en tant qu’ancien chef d’État, connaît parfaitement les risques liés à la manipulation de fonds à des fins politiques. Il lui revient aujourd’hui de faire preuve de responsabilité et de clairvoyance, afin de ne pas exposer inutilement les militants les plus engagés de son parti.
Une crédibilité à préserver
Dans un contexte politique tendu et fortement judiciarisé, la légalité dans le financement de la vie politique est non seulement un impératif légal, mais aussi un gage de crédibilité pour les partis d’opposition qui se veulent alternatifs. Le parti Les Démocrates ne peut se permettre une crise interne ou un scandale financier à la veille d’un scrutin aussi crucial.
Le message est clair : il ne suffit pas de vouloir conquérir le pouvoir, encore faut-il s’assurer que la route qui y mène soit exempte d’embûches juridiques.