L’ancien candidat malheureux à l’élection présidentielle, Daniel Edah, a adressé ce samedi 1er novembre 2025 une lettre ouverte au chef de l’État, Patrice Talon. Dans ce texte au ton ferme et empreint d’inquiétude patriotique, il appelle le président de la République à renoncer au projet de révision constitutionnelle transmis à l’Assemblée nationale il y a seulement un peu plus de 24h, à l’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’année, qu’il qualifie d’« inopportun » et « politicien ».
Une initiative « inopportune et opportuniste »
Selon Daniel Edah, membre influent du parti de l’opposition Les Démocrates , l’introduction d’un nouveau projet de révision de la Constitution intervient dans un contexte politique tendu, marqué par la démission de plusieurs députés du parti d’opposition Les Démocrates. Cette fragilisation, note-t-il, a permis la disparition de la minorité parlementaire capable de bloquer une telle réforme.
« Le terrain semble désormais favorable à son adoption, et ce, à moins de trois mois de la fin de la législature et à moins de six mois de la présidentielle », souligne-t-il, dénonçant une manœuvre destinée à ouvrir la voie à des avantages politiques pour le régime sortant.
Une accusation directe au chef de l’État
Bien que le projet émane formellement de députés, Daniel Edah estime qu’il s’agit d’une initiative inspirée du pouvoir exécutif. « Nul n’est dupe », écrit-il, affirmant que les parlementaires concernés n’auraient pu agir sans l’aval du président Talon, qu’il qualifie de leur « patron politique ».
Il invite le chef de l’État à démontrer le contraire et à se désolidariser de ce projet « qui trahit la peur de perdre la main avec le prochain Président de la République » et qui, selon lui, « muselle le peuple » en réinstallant un système politique proche du monolithisme d’État du PRPB.
Appel à la sagesse et au respect du peuple
Daniel Edah exhorte Patrice Talon à renoncer à cette « entreprise politicienne » et à se placer du côté de l’histoire. Il l’appelle à faire preuve de sagesse en privilégiant le dialogue et en respectant la volonté populaire :
> « Vous ne pouvez faire le bonheur du peuple sans son consentement. Si cette révision vous paraît indispensable, permettez au peuple souverain de se prononcer par référendum », écrit-il, estimant qu’un tel geste constituerait « une marque d’élégance politique ».
L’ancien candidat prévient également que la législature actuelle, en fin de mandat, « n’a plus la légitimité morale » pour engager une réforme aussi fondamentale. Il met en garde contre les conséquences d’une telle démarche : instabilité institutionnelle, insécurité juridique et découragement des investisseurs étrangers.
Un avertissement contre la répression
Daniel Edah dénonce enfin le déploiement sécuritaire observé ces derniers jours sur le territoire national, qu’il interprète comme un signe de « dissuasion » et de « répression ».
> « Vous savez pourtant, Monsieur le Président, qu’aucune violence d’État ne peut arrêter un peuple exaspéré, acculé et déterminé », écrit-il, appelant le chef de l’État à ne pas « s’enfermer dans une logique d’imposition ».
Un appel patriotique à la paix
Clôturant sa lettre sur un ton d’espoir et de responsabilité, Daniel Edah affirme s’adresser non seulement au président Talon, mais aussi au peuple béninois et à la communauté internationale.
> « Je prends à témoin le peuple béninois et la communauté internationale, et vous prie de recevoir l’expression de ma très haute considération, ainsi que de ma détermination patriotique à vous accompagner dans toute décision qui servirait véritablement la paix, la démocratie et le développement de notre pays », conclut-il.

Intégralité de la lettre
Lettre ouverte à Monsieur Patrice TALON, Président de la République du Bénin.
Monsieur le Président de la République,
Dans la foulée de la fragilisation réussie mais peu honorable du principal parti d’opposition Les Démocrates, fragilisation marquée par la démission de certains de ses députés – ce qui entraîne de facto la disparition de la minorité de blocage qui avait contrecarré votre précédente tentative de révision constitutionnelle – un nouveau projet de révision de la Constitution vient d’être introduit à l’Assemblée nationale. Le terrain semble désormais favorable à son adoption, et ce, à moins de trois mois de la fin de la législature et à moins de six mois de l’élection présidentielle.
Monsieur le Président de la République,
Cette initiative, manifestement politicienne et opportuniste, apparaît inopportune. Elle intervient en pleine période électorale, alors que les préoccupations du peuple sont tournées vers les prochaines élections communales, municipales, législatives et présidentielles.
Bien qu’elle soit formellement portée par des députés, nul n’est dupe : le peuple, comme vous-même, sait que ce projet de révision constitutionnelle est avant tout le vôtre. Vos députés ne se seraient pas engagés dans une telle démarche sans votre aval, vous qui êtes leur patron politique.
Je serais heureux, Monsieur le Président de la République, ainsi que la majorité de nos compatriotes, que vous puissiez nous prouver le contraire – que vous n’êtes pas à l’origine de cette initiative qui, si elle aboutit, créerait des avantages à vie pour ceux à qui le pays a déjà tout donné, et offrirait un refuge politique à ceux que le peuple aurait rejetés. Non seulement ce projet trahit votre peur de perdre la main avec le prochain Président de la République mais il a manifestement pour desseins inavouables de museler le peuple et d’installer un système de monolithisme politique rappelant tristement celui du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB), auquel le peuple béninois a tourné le dos en choisissant la démocratie pluraliste. Par ailleurs, ce projet est porteur d’instabilité institutionnelle et d’insécurité juridique en même temps qu’il va contribuer à décourager davantage l’investissement direct étranger dans notre pays.
Monsieur le Président de la République,
Nous savons que votre régime tolère peu la contradiction véritable. Vous disposez du monopole de la violence d’État, que vous pouvez légalement employer pour réduire au silence les voix discordantes. Pourtant, je vous exhorte solennellement à renoncer à cette entreprise – à moins que cette révision constitutionnelle ait pour objectif de mettre fin au serrage de ceinture imposé au peuple depuis 2016.
Même si vous disposez du nombre de députés nécessaire pour mener ce projet à terme, la mandature actuelle, à quelques semaines de son terme, n’a plus la légitimité morale pour engager une telle réforme. Et vous-même, sauf à vouloir empoisonner le mandat de votre successeur ou rendre le pays ingouvernable à quiconque refuserait de vous obéir, n’êtes plus fondé à initier une révision constitutionnelle qui pourrait vous garantir une place durable dans les institutions de la République.
Monsieur le Président de la République,
À moins de vouloir embarquer tout le pays dans une aventure périlleuse, vous savez qu’il n’existe aujourd’hui ni la sérénité, ni le climat politique propice à l’examen serein d’un tel projet comportant assez de menaces pour l’unité nationale, ni au sein du pays, ni au sein de l’Assemblée nationale à la veille d’échéances électorales majeures.
Quelles que soient les innovations ou les intentions que recèle ce projet, vous ne pouvez faire le bonheur du peuple sans son consentement.
Si cette révision vous paraît indispensable et ne peut attendre la fin des prochaines élections, alors permettez au peuple souverain de se prononcer par référendum. Ce serait là une marque d’élégance politique et un geste de respect envers un peuple qui, en 2016, vous a choisi pour rompre avec la « dictature du développement » de l’ancien Président.
Beaucoup de Béninois sont désormais convaincus que l’élection présidentielle de 2016 fut la dernière véritable élection démocratique de notre pays. Vous pouvez, comme en 2019, user de tous les pouvoirs et des moyens de l’État pour ignorer cet appel à la sagesse et à la responsabilité. Mais pour l’histoire, je vous invite à faire un usage mesuré de votre autorité et à différer ce projet de révision constitutionnelle que vous souhaitez manifestement voir adopté à la hâte.
Déjà, le dispositif policier et militaire déployé sur toute l’étendue du territoire témoigne d’une volonté de dissuasion, voire de répression. Vous savez pourtant, Monsieur le Président, qu’aucune violence d’État ne peut arrêter un peuple exaspéré, acculé et déterminé.
Dans l’intérêt supérieur du Bénin – que je sais que vous aimez – je vous exhorte à ne pas vous enfermer avec vos députés dans une logique d’imposition, mais à ouvrir le dialogue et à respecter la volonté populaire.
Guidé par la vision d’un Bénin économiquement prospère et socialement stable dans une Afrique bien intégrée et en plein essor, je prends à témoin le peuple béninois et la communauté internationale, et vous prie de recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération, ainsi que de ma détermination patriotique à vous accompagner dans toute décision qui servirait véritablement la paix, la démocratie et le développement de notre pays.
Fait le 01 novembre 2025
Daniel Edah
Porteur de la Vision d’un Bénin économiquement prospère et socialement stable dans une Afrique bien intégrée et en plein essor





