Richard Boni Ouorou : Ralliement sous pression ou stratégie de survie ? C’est la question qui mérite au mieux posée au regard du revirement spectaculaire que connaît le parti politique de l’opposition Le Libéral, quelques semaines après les ennuis judiciaires de son président. Ce nouveau parti né à peine quelques mois, vu les dernières déclarations de ses responsables, semble sur le point de changer de cap de manière inquiétante. Initialement positionné comme le porte-voix d’une opposition modérée, Ouorou depuis son lieu de détention et par le biais des responsables du parti multiplie depuis quelques semaines les gestes de rapprochement vers la mouvance présidentielle, un retournement qui coïncide de manière troublante avec l’ouverture d’une enquête judiciaire à son encontre. Ce revirement soulève une question cruciale : s’agit-il d’un repositionnement stratégique opportun ou d’un signe révélateur d’un système où la justice devient un outil de contrôle du pouvoir ?
Un calendrier suspect : Des ennuis judiciaires au rapprochement politique
Le mois de mai 2025 représente un tournant pour Richard Boni Ouorou, alors qu’une enquête pour corruption est ouverte portant sur les conditions d’obtention du récépissé officiel de son parti. Ce qui suscite de vives inquiétudes, c’est le timing : un mois après le début de l’enquête, Ouorou commence à amorcer un rapprochement avec la majorité présidentielle. Cette séquence chronologique alimente le soupçon d’un chantage politique, où l’opposant est contraint d’adapter son discours pour préserver une certaine forme de pouvoir ou d’influence.
Dès lors, Ouorou, passant d’une critique mesurée du régime à une posture d’ouverture, évoque une prétendue « responsabilité nationale » face aux échéances électorales de 2026. Toutefois, cette justification peine à convaincre, laissant place à l’interrogation sur la sincérité de sa démarche.
Le scénario rodé d’un ralliement sous pression
Les années récentes ont vu plusieurs figures de l’opposition béninoise suivre un chemin similaire à celui d’Ouorou. Ce processus, devenu bien rodé depuis 2016, commence presque toujours par l’ouverture d’une procédure judiciaire, dont les charges peuvent aller de la corruption au blanchiment, suivie d’une proposition de ralliement à la mouvance présidentielle. Cette instrumentalisation offre au régime un visage de tolérance, tout en affaiblissant durablement l’opposition.
Richard Boni Ouorou, qui avait pour ambition de réinventer une opposition constructive, pourrait finalement illustrer ce mécanisme en suivant le même chemin que ses prédécesseurs.
Un retournement aux conséquences lourdes
Le bruit des couloirs s’intensifie : les charges contre Ouorou semblent partiellement abandonnées et Le Libéral évolue vers une forme de parti satellite aux ordres du pouvoir. Désormais, il affiche un soutien discreet à la candidature présidentielle de 2026, tout en restant sous l’ombre d’un système judiciaire omniprésent. Les poursuites sont maintenues, comme un rappel constant que l’épée de Damoclès demeure en suspension.
En devenant un exemple d’un ralliement opportun, Ouorou incarne une figure politique « utile » pour le pouvoir, qui peut revendiquer une fausse ouverture tout en poursuivant sa lutte contre la corruption. Un équilibre cynique, mais fonctionnel.
Une opposition modérée en voie d’extinction ?
Le cas d’Ouorou ne fait pas exception, mais constitue plutôt un symbole de la fragilité des nouvelles générations politiques après la dissolution des partis historiques comme la RB ou le PRD. Ces derniers se heurtent à une réalité politique brutale : l’opposition dans sa forme légale et modérée semble être vouée soit à l’absorption, soit à la marginalisation par un régime de plus en plus répressif.
Le message délivré est glaçant : aucune voix dissidente n’échappe à la sanction, qu’elle soit judiciaire ou politique. Ainsi, la lutte contre la corruption, censée symboliser une gouvernance éthique, devient un instrument de contrôle. Si Richard Boni Ouorou gagne une certaine forme d’immunité, son image et celle de son parti, déjà affaibli, risque de ne pas survivre à ce qui est largement perçu comme une trahison.
Un pouvoir penforcé, une démocratie affaiblie
Au final, le pouvoir sort renforcé par cet épisode, transformant cette situation en une opportunité de proclamer que même les opposants finissent par rejoindre leur vision, qu’elle soit de manière sincère ou par contrainte. Mais à quel prix pour la démocratie béninoise ? La normalisation de la collusion entre la justice et la stratégie politique met sérieusement en péril les aspirations à un pluralisme démocratique authentique au Bénin.