Le débat politique béninois est souvent marqué par des prises de parole qui dépassent parfois les bornes de la prudence institutionnelle. Parmi ces voix, celle de Dakpê Sossou, député de la mouvance présidentielle, s’illustre régulièrement par des assertions qui suscitent polémique, inquiétude et confusion. En cette période de pré-campagne électorale comptant pour les élections générales de 2026 où la moindre étincelle peut tout embraser, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire que ses interventions soient recadrées — pour le bien de la cohésion nationale, du respect des institutions, et de la crédibilité de la mouvance présidentielle.
Propos controversés : quelques exemples
Avant d’examiner la nécessité de son recadrage, rappelons quelques déclarations fortes de Sossou :
1. Mandat de Patrice Talon
En 2018, Dakpê Sossou avait déclaré que, après le mandat en cours, Patrice Talon pourrait se voir octroyer un mandat de 7 ans. Ceci est en contradiction flagrante avec la Constitution de 1990 qui fixe le mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois.
2. Critiques envers l’opposition, usage de termes insultants
Par exemple, dans un post Facebook en janvier 2024, il qualifie le Président Boni Yayi de “rigolo” tout en affirmant que “Talon n’est pas con”, dans le contexte d’une proposition de loi d’amnistie portée par les députés du parti Les Démocrates.
Il leur reproche de ne pas chercher de consensus et d’utiliser des situations politiques ou judiciaires (comme l’affaire Madougou ou Aïvo) pour des gains de visibilité.
3. Révision de la Constitution
Dakpê Sossou a aussi salué certaines propositions de l’opposition, notamment leur volonté de revoir des lois ou la Constitution afin de corriger des éléments de gouvernance jugés “peu orthodoxes”.
Toutefois, ses propos vacillent parfois entre ouverture au dialogue et manœuvres ambigües : l’idée d’une modification constitutionnelle est évoquée comme si elle pouvait servir autant l’opposition que la mouvance.
Problématique : ce que ses propos entraînent
Ces prises de parole posent plusieurs problèmes :
Incitation à la confusion institutionnelle
En évoquant un mandat non conforme à la Constitution ou en laissant croire qu’il pourrait y avoir des changements majeurs sans cadre légal clair, cela peut créer une attente malsaine voire dangereuse dans l’opinion publique.
Atteinte à la crédibilité de la mouvance
Même si Dakpê Sossou se présente comme un soutien du pouvoir, ses propos polarisants finissent par jeter l’opprobre sur la mouvance. Quand un membre de cette mouvance tient des propos perçus comme extrêmes ou anticonstitutionnels, c’est tout le camp qui peut en subir les conséquences.
Affaiblissement du dialogue démocratique
L’usage d’invectives, la stigmatisation de l’opposition, l’absence de recherche de consensus dans certains propos compliquent la confiance, le respect mutuel, la capacité de l’institution parlementaire à fonctionner de manière constructive.
Risque de surenchère et de radicalisation
Lorsque des propos provocateurs ou extrêmes restent sans réaction ou sanction, cela peut encourager d’autres à faire de même, et accroître les tensions politiques.
Pourquoi le recadrage est urgent
1. Maintenir la légitimité du cadre constitutionnel
Le respect de la Constitution est fondamental. Si des acteurs politiques, particulièrement du pouvoir, la contestent implicite ou explicitement, cela affaiblit les institutions et le contrat social.
2. Sauvegarder l’image de la mouvance présidentielle
Le pouvoir doit montrer qu’il a de la discipline, qu’il maîtrise ses membres, et qu’il respecte les règles du jeu démocratique pour rester crédible auprès des citoyens comme auprès des observateurs nationaux et internationaux.
3. Prévenir les dérives à venir
En recadrant les propos aujourd’hui, on réduit la tentation future de faire des annonces populistes ou démagogiques pour gagner des appuis, au détriment de la stabilité politique.
4. Favoriser un climat politique apaisé
En période préélectorale ou dans tout cycle politique tendu, chaque mot compte. Des propos non contrôlés peuvent devenir des slogans, des points de radicalisation, voire des prétextes de division sociale.
Comment le recadrage pourrait être opéré
Le recadrage ne signifie pas nécessairement la censure, mais plutôt la responsabilité et la mesure. Voici quelques pistes :
Interventions publiques de la hiérarchie
Le président, les ministres, voire le leadership du parti pourraient rappeler les principes constitutionnels, les limites du débat politique respectueux, et la nécessité de cohésion.
Rappels formels à l’ordre
Au sein de l’hémicycle ou des organes internes de la majorité présidentielle, une mise au point ou un avertissement officiel pourrait être envisagé.
Formation ou concertation sur les discours politiques
Sensibiliser les élus sur les normes de communication, les limites légales, leur responsabilité envers les électeurs.
Dialogue institutionnel avec l’opposition
Plutôt que de stigmatiser, encourager les échanges pour clarifier les attentes, s’inscrire dans la logique du consensus quand il s’agit de sujets sensibles comme la Constitution, l’amnistie, etc.
Le député Dakpê Sossou incarne aujourd’hui, plus que d’autres, le paradoxe d’un acteur politique proche du pouvoir dont les mots excèdent parfois les frontières de la prudence institutionnelle. Le temps n’est plus aux tolérances face aux propos qui sèment le trouble, font planer des doutes, ou créent des clivages dangereux.
Pour la santé démocratique du Bénin, pour la crédibilité des dirigeants et le respect de la loi, il est impératif que la mouvance présidentielle agisse maintenant pour recadrer Dakpê Sossou — non pas dans une logique punitive, mais dans une logique d’affirmation des principes, de responsabilité et de maintien de la confiance.





