Ce dimanche 28 septembre 2025, le parti Les Démocrates, principal parti de l’opposition dirigé par Boni Yayi, a lancé un avis d’appel à candidatures en vue de désigner le duo Président de la République – Vice-Président qui défendra ses couleurs lors de la présidentielle de 2026.
L’initiative s’inscrit, selon ses auteurs, dans une démarche « transparente et objective », en conformité avec le Code électoral et le chronogramme de la CENA, qui fixe la période officielle de dépôt des candidatures du 10 au 14 octobre 2025. Les postulants au sein du parti disposent jusqu’au 4 octobre pour soumettre leurs dossiers.
Parmi les conditions figurent notamment une caution de 25 millions de francs CFA, dont seulement 20 millions sont remboursables aux candidats non retenus.
À première vue, l’appel paraît structuré, sérieux et conforme aux standards démocratiques. Mais en y regardant de plus près, il soulève une contradiction majeure : le parti qui revendique des élections inclusives à l’échelle nationale semble lui-même pratiquer l’exclusion en interne. Car rares sont ceux qui peuvent réellement satisfaire à toutes les exigences posées. Et derrière cette rigueur apparente se dessine une exagération manifeste de Boni Yayi, qui fixe un seuil si élevé qu’il devient presque inaccessible.
Officiellement, l’objectif est noble : sélectionner le duo le plus compétent, le plus représentatif, le plus capable de porter les idéaux du parti. Mais en pratique, le processus s’apparente davantage à un parcours du combattant, réservé à une poignée de privilégiés.
Il ne suffit pas d’avoir de la vision ou de l’expérience. Il faut :
Réunir 25 millions de francs CFA en quelques jours
Présenter un profil moral irréprochable
Justifier de compétences techniques solides
Représenter des équilibres régionaux, politiques et sociaux
Être suffisamment populaire pour rassembler
Et surtout, être acceptable par toutes les sensibilités internes du parti
Un tel cumul de conditions élimine d’emblée une large majorité des militants, sympathisants ou cadres émergents. Le processus devient alors une course fermée, où les candidats sont disqualifiés avant même de pouvoir défendre leurs idées.
Une exclusion maquillée sous couvert d’exigence
Le paradoxe saute aux yeux. Les Démocrates dénoncent régulièrement l’exclusion politique orchestrée par le pouvoir en place, fustigeant les candidatures verrouillées, les conditions injustes et les filtres institutionnels.
Mais à l’intérieur même du parti, on assiste à une reproduction quasi-identique des logiques d’exclusion :
Un verrouillage financier, avec une caution difficilement accessible pour de nombreux militants
Un verrouillage moral, dont l’appréciation reste floue et subjective
Un verrouillage stratégique, qui donne l’avantage à ceux déjà dans les cercles de pouvoir du parti
Le discours d’exigence et de rigueur cache mal une volonté de garder la mainmise sur le processus, en réservant la compétition à quelques profils prédéfinis. Une forme de démocratie interne de façade, où la base est consultée, mais pas écoutée.
Boni Yayi dans la surenchère
Ce modèle de sélection porte indéniablement la marque de Boni Yayi. L’ancien président, connu pour son style directif, semble vouloir forger un duo présidentiel à son image, selon ses propres critères – même si cela signifie exclure de facto toute forme de concurrence réelle.
Ceux qui espéraient un processus ouvert, participatif et propice à l’émergence de nouveaux visages, notamment jeunes ou issus de la société civile, se retrouvent confrontés à une logique de contrôle centralisé. La sélection se fait par élimination, non par débat.
Cette approche entre en contradiction directe avec le message d’inclusion et d’ouverture que Les Démocrates brandissent depuis leur création.
Des critères qui dissuadent plus qu’ils n’ouvrent
Une erreur stratégique ?
En procédant ainsi, Les Démocrates prennent le risque de :
Décourager des profils prometteurs, capables de renouveler l’offre politique
Diminuer leur crédibilité en tant qu’alternative démocratique au pouvoir en place
Affaiblir la mobilisation populaire, notamment chez les jeunes et les indécis
Réduire la compétition interne à une poignée de noms prévisibles et déjà adoubés
À force de vouloir tout contrôler, on étouffe la dynamique naturelle de la compétition politique, qui consiste à laisser les idées, les projets et les leaders s’imposer par le débat, non par le filtrage.
Pour une cohérence entre discours et pratiques
Si Les Démocrates veulent incarner un véritable espoir pour 2026, ils doivent aligner leurs actes avec leurs paroles. On ne peut pas exiger du régime en place qu’il ouvre le jeu démocratique tout en verrouillant le sien en interne.
L’inclusivité ne peut pas être un simple slogan. Elle doit se traduire concrètement dans les pratiques : conditions d’accès, calendrier raisonnable, transparence des critères, égalité de traitement.
En fixant la barre aussi haut, Boni Yayi tombe dans l’excès. Et ce sont précisément ces dérives qu’il n’a cessé de dénoncer chez ses adversaires politiques.
Il est encore temps pour le parti de revoir sa copie. Il est encore temps de faire de cette sélection interne un moment de renouveau démocratique, et non une répétition des pratiques qu’on combat.





